C’est en juin 1980 à Nkongsamba que j’ai fait la connaissance de Ngoye Jeca. Ce soir-là, sous le ciel étoilé, il grattait les cordes de sa guitare alors qu’un jeune chanteur du CETIC de la même ville, interprétait la mélodie harmonieuse de Tyti Edima (Doudou). Oh mon dieu ! Les années 80 nous ont comblés de mélodies immortelles. Ces années classiques par essence de la musique camerounaise, ont vu émerger les premiers talents artistiques à travers les concerts scolaires, une époque qui a donné naissance à des artistes tels que Tim et Foty, Ndedi Eyango, Henry Njoh, et la famille Consty Bilong, parmi tant d’autres. Et au cœur de cette génération se tenait Ngoye Mbondy Jean Calvin, connu sous le doux surnom de « Ngoye Jeca, Muna fille. » Ngoye Njeka était le pionnier incontesté de cette époque magique.
Dans les concerts scolaires, il s’affichait déjà comme un artiste confirmé, alors qu’il n’avait pas 18 ans. C’était un maestro talentueux, un innovateur en herbe. Mais surtout, il était d’une beauté à couper le souffle, attirant les regards et les cœurs de toutes les jeunes filles. À cette époque, il incarnait toute la vitalité d’un jeune artiste destiné à briller. Il était la star incontestée de la scène musicale, illuminant de sa présence tout le Littoral, de Nkongsamba à Douala. Fils de feu Mbondy Kollo Sadrack, l’un des premiers percusseurs du makossa au Cameroun, il était propriétaire d’un orchestre moderne. C’est dire que Ngoye Jeca suivait les traces de son père, qui appartenait également à la génération des légendes comme Manu Dibango, Francis Bebey et Danger Ngando. C’était comme si la musique coulait dans ses veines depuis toujours, destiné à porter l’héritage musical dans les hautes sphères. La voix envoûtante de Ngoye Njeka avait le don de transporter, sans artifice ni complication, dès ses premiers pas dans la musique.
Cependant, il s’est un jour éclipsé de Nkongsamba, ne laissant derrière lui que des souvenirs empreints de mystère. C’est à la CTV, disait-on à l’époque, grâce à l’émission Télé Podium animée par le charismatique Elvis Kemayo, que le monde a eu le privilège de le redécouvrir. Cette émission était une perle rare parmi toutes les émissions télévisées, un véritable joyau qui capturait l’essence de notre culture et reflétait notre identité, à l’intérieur comme à l’extérieur de nos frontières. Télé Podium, par son animation festive et frénétique, a su inspirer la jeunesse camerounaise à se livrer à l’art. C’est ainsi que l’on a pu voir émerger de futurs artistes qui deviendront des étoiles scintillantes de la musique camerounaise, comme Toucouleur, le comédien Antonio, Nkodo Si Tony, Atebass les têtes brulées etc. Au sein de cet orchestre de la CTV, des millions de téléspectateurs ont découvert un jeune virtuose en la personne de Ngoye Jeca, sans se douter que cet homme avait déjà un passé musical glorieux derrière lui.
Sous les feux des projecteurs de Télé Podium, Ngoye était comme toujours séduisant, sa présence irradiant la scène, on le verra faire un clin d’oeil à Mayélé, le guinéen, Ndedi Eyango au cours de leur prestation. L’émission lui a offert une visibilité inestimable. En plus de son rôle dans l’orchestre national, il a composé cinq chants dédiés aux Lions Indomptables, chantant pour ces fiers représentants de notre nation tout en exposant les intrigues qui se tissent au sein de la bureaucratie moderne, avec sa chanson « tu n’es ni journaliste ni.. » Mais Ngoye Jeca ne se contentait pas de sa propre gloire. Il avait également partagé son talent en confectionnant et enseignant l’art de la guitare à d’éminents musiciens reconnus à l’échelle mondiale à l’instar par exemple de Richard Bona qui a d’ailleurs repris la chanson de son père intitulé « Mut’esukudu ». Cependant, par respect pour les traditions qui régissent nos sociétés, je préfère taire d’autres noms, sachant que les princes n’aiment pas revoir ceux qui les ont vus nus.
Il est regrettable que la modestie fasse souvent défaut dans nos contrées. Avec son patriotisme assumé, son aura internationale pour le football, son goût pour les mélodies invectives, l’artiste incarne le magicien des lions, on le retrouve dans l’épopée du Japon où il séduit le monde par des incantations sur le stade, alors que les lions sont torturés par les allemands, Ngoye fait des exhibitions pour ramener le score mais en vain. On sera battu par 3 buts à 0. Il convient de noter que Ngoyè Jeca est 1er Notable au village Ndogbati du canton Bassa du Wouri Douala 3ème et 5ème. Ngoye est chevalier de l’ordre national et de la valeur, il y a 38 ans qu’il travaille avec honneur fidélité à la CRTV. Ce chevalier, honoré par l’Ordre National de la Valeur, travaille depuis 38 ans avec une dévotion inébranlable au sein de la CRTV. Ngoyè Jeca aurait pu comme bon nombre de sa génération aller s’installer aux Etats-Unis, mais l’amour de son pays et de sa famille l’a obligé à rester au pays comme gardien de la tradition. C’est pourquoi sa loyauté et son engagement envers la CRTV sont un exemple de fidélité et d’honneur qui inspirent respect et admiration.