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Le Ngondo entre dans le patrimoine de l’Humanité : victoire historique du peuple Sawa

Sous un ciel chargé de symboles et de mémoire, l’histoire  du Cameroun sous la houlette des Doualas,  s’écrit une fois de plus au Paraguay, où le Ngondo, cérémonie ancestrale des peuples Sawa, accède à une reconnaissance universelle en entrant dans le patrimoine immatériel de l’humanité lors de la 19ᵉ session de l’UNESCO. Ce triomphe retentissant ne marque pas seulement la consécration d’une tradition, mais révèle l’éclat d’une civilisation profonde, marquée  de mysticisme, de richesse culturelle et de résilience philosophique.

Une cérémonie enracinée dans l’histoire

Le Ngondo, jadis interdit par le poids des colonisations et des politiques répressives, a traversé les âges, renaissant sous l’ère de Paul Biya, qui permit à cette tradition de retrouver sa grandeur. Longtemps cantonnée aux abords du Collège Libermann, la célébration a migré vers le majestueux pont sur le Wouri à Douala, où elle trouve cette  ville cosmopolite où se mêlent cultures et origines dans une danse harmonieuse. Ce basculement géographique et symbolique a ouvert les portes à une appropriation nationale, rassemblant Camerounais de toutes origines autour de festivités enivrantes : danses, chants, invocations spirituelles, concours de beauté et courses de pirogues. Chaque année, le Ngondo illumine l’âme collective, réaffirmant la puissance d’un peuple en communion avec ses racines.

Une civilisation qui défie le temps

L’histoire des Sawa plonge ses racines dans des migrations mythiques. Descendants des Doualas, ces peuples auraient quitté le Bas-Congo à la suite d’un conflit trivial autour d’un partage de viande d’éléphant, entamant une épopée en pirogue qui les mena jusqu’aux côtes du Cameroun. Leur installation sur les terres littorales, à proximité des Bassas, déclencha des tensions culturelles et sanitaires, forçant les Bassas à migrer vers l’arrière-pays. Pourtant, cette cohabitation initiale laissa des traces  sur l’organisation sociale et spirituelle des Sawa, unifiés sous une identité bâtie sur la fierté, l’élégance et l’art. La thèse de leurs origines suscite débat.

Certains les lient aux Myènè du Gabon, peuple bantou établi dans la région de l’Ogooué, eux-mêmes descendants des migrations de Tanzanie. Qu’il s’agisse des Doualas ou des Myènè, tous partagent une parenté culturelle et spirituelle manifeste : le rapport mystique à l’eau, la vénération des ancêtres, et une organisation sociale où les arts et les rituels tiennent une place centrale.

Une culture rayonnante

Le peuple Sawa, divisé en sous-groupes tels que Bonapriso, Akwa, Deido ou Bonabéri, a enrichi le Cameroun de son patrimoine exceptionnel. Le makossa, genre musical emblématique, a traversé les océans, portant avec lui la mélodie d’un peuple. En cuisine, le Ndolè, accompagné de poisson, est aujourd’hui célébré bien au-delà des frontières camerounaises. Le Sawa, avec sa fierté légendaire et son élégance presque aristocratique, incarne une culture enracinée mais tournée vers l’avenir.

Le Ngondo : une philosophie vivante

Au cœur de cette civilisation, le Ngondo transcende son statut de cérémonie pour devenir une philosophie, une célébration de l’harmonie entre l’humain, l’eau et les forces invisibles. Les rituels, marqués par une spiritualité profonde, honorent les esprits des ancêtres, célébrant l’unité entre les vivants et les morts. Ce triomphe au sein de l’UNESCO réaffirme la place des Sawa dans le concert des grandes cultures universelles.

Une vision d’avenir
L’histoire du Ngondo est celle d’un peuple qui a résisté aux vents contraires, des persécutions coloniales aux préjugés modernes. Grâce à des figures charismatiques comme Rudolf Duala Manga Bell, qui a sacrifié sa vie pour la dignité de son peuple, la culture Sawa s’est affirmée, se hissant aujourd’hui au sommet de la reconnaissance mondiale. Dans cent ans, il ne fait aucun doute que le Ngondo attirera les peuples du monde, devenant un carrefour des civilisations et une lumière pour l’humanité tout entière. C’est plus qu’une victoire pour les Sawa. C’est un triomphe pour le Cameroun, et au-delà, une célébration de la richesse infinie des cultures africaines. Le Ngondo, désormais patrimoine de l’humanité, nous enseigne que l’identité culturelle, lorsqu’elle est préservée et sublimée, transcende les frontières et dialogue avec l’universel.

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