Michel Lobé Etamé
Journaliste indépendant
Après deux mois de déclarations et de tergiversations intempestives, la posture d’Emmanuel Macron à l’égard des nouvelles autorités du Niger était tout simplement pathétique et intenable
– Refus de reconnaître les nouvelles autorités du Niger:
– Refus du rapatriement de l’ambassadeur français déclaré Persona non grata
– Refus du retrait des 1 500 militaires français basés au Niger, etc.
Ces déclarations ont choqué la jeunesse africaine et le monde libre qui ne peuvent comprendre les errements de la France qui reconnaît certains putschs et pas les autres. Malgré les soutiens de quelques caciques de la CEDEAO, dont le Sénégal, la Côte d’Ivoire et le Bénin, la France a été contrainte d’accepter, malgré elle, les changements en cours dans les pays du Sahel où une jeunesse résiliente combat sans ambages les vestiges d’une politique postcoloniale aveugle. Le Niger était le dernier allié de la France au Sahel depuis son départ du Burkina Faso et du Mali où ses troupes n’ont pu éradiquer le terrorisme depuis une dizaine d’année. Les changements en cours et irréversibles en Afrique francophone sonnent le réveil d’une nouvelle Afrique qui veut se prendre en main et décider librement de son avenir.
Une Afrique qui veut écrire une nouvelle page de son histoire avec la France et le monde. Mais la françafrique, cette nébuleuse décriée, reste très active à travers ses néocolonialistes et ses supplétifs à la tête des pays africains. Elle ne désarme pas. Ses médias traditionnels de propagandes restent très actifs et efficaces. Pour arriver à ses fins, elle vient d’introduire dans sa panoplie une nouvelle manœuvre : la guerre cognitive qui constitue le glissement logique de la guerre d’information vers une volonté de destruction du mode de pensée des individus de manière durable et à grande échelle. Il est donc du devoir de la jeunesse africaine de rester sur ses gardes et d’élever son niveau de vigilance, car la guerre contre le néocolonialisme est permanente. La décolonisation de l’Afrique francophone pouvait être un épisode apaisé et équilibré.
Mais les appétits insatiables, le mépris et l’arrogance des multinationales françaises a poussé à l’aveuglement leurs agissements par le clientélisme, la corruption et l’infantilisation des dirigeants africains. Pour continuer à peser sur la scène internationale, la France devrait revoir en profondeur sa relation avec l’Afrique francophone où elle traîne un passif douloureux. Elle devrait avoir une relation dépassionnée avec ces pays qui ne peuvent plus supporter une relation infantilisante. La jeunesse africaine veut un bol d’air à l’heure où un vent de liberté souffle et que la mondialisation pointe son nez. Elle n’est plus disposée à subir le paternalisme d’un allié encombrant et autoritaire qui veut lui imposer un avenir tutélaire. La françafrique est touchée, mais elle n’a pas coulé. Nous aurions tort de croire qu’elle va capituler. Elle dispose encore de nombreux leviers qu’elle ne manquera pas d’actionner.
La tentative de coup d’état au Burkina Faso en ce début de semaine en est la parfaite illustration. Ses commanditaires sont encore en poste et ne baissent pas les bras. La jeunesse de l’Afrique francophone veut une relation dépassionnée avec la France. Mais celle-ci est incapable de solder ses comptes de colonisation. La France, terre des droits de l’homme devrait renoncer à son acharnement contre les militants africains dont les combats sont légitimes pour libérer un continent qui a tant saigné et qui aspire, comme tous les continents, à se prendre en charge. La françafrique n’est pas morte. Comme un brasier éteint, elle peut à tout moment cracher du feu. Elle a des outils pour y parvenir : le franc CFA et les accords de coopération iniques. Il faut pourtant en débattre pour solder définitivement un passif douloureux. Il faut remuer le couteau dans la plaie sans complaisance.