Interview réalisée par Marcien Essimi
Depuis l’île de France, l’écrivain camerounais qui connaît « le Gabon par cœur », pour y avoir longtemps vécu, a accordé une interview choc sur la multiplication des coups d’Etat en Afrique notamment au lendemain du coup de force du général Olingui Nguema au Gabon. L’auteur analyse froidement les environnements socio-politiques du Cameroun et du Gabon, voit Paul Biya dans la peau de « révolutionnaire silencieux » et réagit sur les erreurs impardonnables de l’opposant camerounais Maurice Kamto qui, selon lui, fait une politique qui à rebours qui énerve et « ressemble à un savant égaré ».
L’actualité africaine depuis quelques jours est marquée par la montée des coups d’Etat. La situation en Afrique de l’Ouest et au Gabon nous interpelle. Quelle lecture faites-vous ?
Tout homme public doit se trouver interpellé. Quand il y a assassinat comme le cas de Martinez Zogo ou coup d’état, l’homme de culture doit s’exprimer. L’intellectuel qui peut être considéré d’un lâche. Il doit être disqualifié. Ce qui se passe en Afrique actuellement est la force du temps. Ce n’est pas un temps anormal, il n’est pas négligeable non plus, tout cela traduit – même si vous ne vous en rendez pas compte- un extraordinaire moment où une énergie surnaturelle plane sur l’Afrique.
C’est inévitable dans le destin des hommes. On ne négocie plus quand ce temps se présente. Lorsque ce temps arrive, on ne peut plus rien. On aura beau libérer les forces, mais on finira par se plier. C’est cette énergie qui a emporté Mubutu, Kadhafi, et maintenant Ali Bongo. Vous vous souvenez de l’évangile qui dit « qu’il croisse et que je décroisse.» Quand le temps de celui qui doit croître arrive, l’autre décroît. Maintenant pour répondre concrètement à votre question, il faut savoir que dans nos pays, il y a beaucoup de gens qui ont le sens commun, et qui se soucient du bien-être de tous. Le destin parvient à les amener inévitablement là où il faut. Chez les militaires, on trouve également de grands hommes dans l’histoire.
De Gaulle était un illustre inconnu, il a surgi et a fait son devoir devant un destin qui était écrit. Un coup d’Etat qui réussit, peut-être un coup de destin, salutaire pour les uns désastre pour les autres. Maintenant à chaque homme qui prend le pouvoir de prouver pourquoi il l’a pris. Je déteste les aventuriers assoiffés de pouvoir. Les injustices font naître les mouvements révolutionnaires. Les misères, les tortures et les guerres, c’est ce qui se passe en Afrique de l’Ouest. L’Occident a voulu faire en Afrique de l’Ouest ce qu’ils ont tenté en Afrique Centrale en 94 avec l’arrivée de Kabila au pouvoir. L’objectif était de prendre le contrôle de toute l’Afrique Centrale, mais cela a échoué avec le retour de Sassou Nguesso au Congo.
Beaucoup ne savent que c’est le Président Sassou qui a sauvé l’Afrique centrale. Ce que Bill Clinton et la CIA avaient préparé, étaient très grave. Mobutu l’avait compris avec l’élimination du président Juvénal Habyarimana. Il avait déclaré le jour de l’accident d’avion de ce dernier : « c’est le début de la déstabilisation de toute l’Afrique centrale pour de longues années. » En Afrique Centrale, ils sont passés par un génocide, parce que les Bantous sont idiots. C’est facile de les monter les uns contre les autres, les européens utilisent des petites ruses pour nous coincer les têtes, ils sont impressionnés quand c’est un européen qui leur parle, il y a des noirs qui peuvent méconnaitre un frère parce qu’il marche avec un blanc.
En Afrique de l’Ouest le génocide n’est pas possible parce qu’ils ont une culture solidement enracinés au niveau des langues, c’est pourquoi il emprunte la voie des terroristes qui sont en réalités des étrangers. C’est un vent qui continuera de souffler et qui va renverser d’autres présidents s’ils ne font pas attention. Et s’ils ne font pas la volonté du peuple. Le processus révolutionnaire en Afrique est irréversible. En regardant dans le rétroviseur, vous verrez que dans de nombreux pays d’Afrique de l’ouest, des présidents ont été assassinés pour des causes justes qu’ils défendaient. On n’assassine pas les présidents qui recherchent le bien-être des peuples. Ce sont des puissants rois qui, quand on les enterre, s’en vont avec les yeux ouverts ; ils finissent toujours par ressusciter. Je pense à Modibo Keita, Amani Diori, Sékou Touré, Sankara, Barthélemy Boganda. Tombalbaye, Ibrahim Baré Mainassara, William Tolbert.
Est-ce l’éveil de l’Afrique ?
C’est le temps africain. De toutes les façons, il ne faut plus trop croire au vote, la démocratie en Afrique a été brandit pour vendre ce continent aux enchères. Il y a des pays à présent qui n’ont plus droit sur leur patrimoine, vous ne pouvez pas le savoir, je prends l’exemple de Haïti, le Rwanda par exemple il y a une forte présence des américains. Il y a ce qu’on appelle les oligarques qui détiennent désormais toutes les richesses des pays africains fragiles. La démocratie en Afrique n’existe nullement, n’allez surtout pas me dire que cela a réussi dans tel ou tel pays, dans aucun. Tout ce qu’on vous brandit comme des démocraties sont des jeux entre amis bien ficelés. Il y a les pays comme le Sénégal, le Bénin, qui savent bien jouer à ce jeu. La démocratie a été envisagée en Afrique pour détruire ce continent, le sectionner et le partager.
Dites-moi dans quel pays il n’existe pas de prisonniers politiques. Les prisonniers politiques dans les pays démocratiques sont ceux qui ont voulu défendre la vraie indépendance. Tous les présidents mettent des hommes politiques en prison. Les assassinats atroces continuent. Le parti unique était mieux, il permettait de préserver les vies humaines dans certains cas. Depuis trente ans… combien de morts on a enregistré. Dans la plupart des pays, on ne voit que des guerres, des divisions des cruautés. Avec le retour de la guerre froide, l’Afrique va retourner au parti unique. L’Afrique comme l’a dit Erasme dans l’éloge de la Folie, nous apporte toujours quelque chose de nouveau. Vous verrez cela un jour. Elle est comme elle est, mais celui qui la touche meurt. Le président Sarkozy qui s’était permis d’insulter l’Afrique, constate aujourd’hui que c’est lui qui n’entrera pas dans l’histoire avec tout ce qui le poursuit depuis son éviction. L’Afrique, c’est comme le Pygmée en forêt. Vous marchez ensemble, ne croyez surtout pas qu’il est bête ; il a sa vie et il préfère sa vie ; dans la forêt, il perçoit des choses que vous ne percevrez pas. Il voit des choses que vous ne verrez pas.
L’Afrique marche calmement, c’est son essence, et tu ne peux évacuer cela en elle, elle attend la suite des événements, parce qu’elle a le temps, et l’espace. Ce que je regrette c’est le fait que ces nouveaux leaders, qui prennent le pouvoir en Afrique, passent leur temps à faire des discours, des interviews, des rassemblements. Jusqu’à présent, il n’y a pas d’idéologie forte qui se dessine. J’ai l’impression qu’ils sont encore animés par la passion des discours et de paraître pour recevoir des applaudissements. Le révolutionnaire, est un mythe. On ne doit pas le voir tous les jours. Avez-vous vu Mao Tsé Toung, Hô Chi Minh, le Roi Hassan II, Kim IL Sung II, l’Ayatollah Khomeiny se pavaner tous les jours pour faire des discours sur discours ? Ils laissaient cela à d’autres. Le révolutionnaire est là pour penser.
Il est nécessaire d’être un mystère pour son peuple. Quand on voit trop un leader, on n’a plus envie de le voir. C’est ce qui pousse les gens à fomenter les coups. Celui qu’on voit tous les jours finit toujours à exposer ses faiblesses. Tous les jours des rassemblements, et puis quoi d’autres ? Pourtant, c’est le moment d’organiser les comités révolutionnaires pour parer à toute éventualité. C’est le temps de créer des comités révolutionnaires dans toutes les villes et villages. Puisqu’ils n’ont pas d’armes. Ils n’ont que leur main et leur voix. On n’a plus de CHE Guevara dans le monde. C’est déconcertant de voir tout cela. Ces pays oublient que la guerre est devant eux. Elle est là, et il faut la préparer déjà. C’est une bataille pour la vie, s’ils gagnent cette guerre, ils auront tout gagné. Ça ne va pas tarder. Ils doivent se préparer. Pour les beaux discours, je ne dis pas qu’il faille s’éloigner du peuple, il ne faut pas trop en faire, il faut laisser cela à d’autres collaborateurs.
Parlant du coup d’Etat au Gabon. Que répondez-vous à ceux qui voient une histoire montée de toutes pièces pour éloigner l’opposition du pouvoir. Des gens disent que la France serait à la manœuvre ?
Vous savez, j’ai vécu au Gabon. Je connais le Gabon par cœur. J’avais des amis à la présidence. Le Gabonais n’est pas discret. Je n’ai pas le droit de livrer des secrets de la sécurité gabonaise, parce que je peux me tromper. Retenez que c’est un vrai coup d’Etat. Me dire qu’il y a eu une supercherie, je dirai que ceux qui le disent ne connaissent pas le Gabon et le clan Bongo. C’est un enjeu matériel inestimable au Gabon. Parce que la famille Bongo possède assez de richesses. Les gabonais aiment l’argent même comme ils ont de la prodigalité. On ne peut pas me dire que c’est un trucage. C’est exactement ce qu’Obiang Nguema avait fait à son oncle. C’est une trahison de Palais.
En faisant cela le président Brice a travesti les lois mystiques qui le rattachaient à sa fonction. Ce n’est pas pour rien qu’il a fait venir les missionnaires pour sa première rencontre, enfin qu’on prie pour lui. Il sait qu’il trahi et qu’il peut mourir. Alors il demande la protection divine. Mais à la différence avec le président Guinéen, il ne va tuer personne. Le gabonais n’aiment pas tuer d’autres gabonais. C’est sacré chez eux. Il ne faut pas oublier que le nouvel homme fort du Gabon avait été éloigné par Ali Bongo ; c’est une intuition qui l’avertissait ; et une fois à l’extérieur, Brice est très certainement entré en contact avec les services secrets français.
Ceux-ci comme à leur habitude vont conseiller Ali de rappeler Brice Oligui parce qu’il est un homme charismatique, craint qu’il lui faut pour sa sécurité. Ali va céder. Brice attendait le bon moment. Comme il connait tout le palais, c’était facile pour lui de neutraliser l’entourage avec ses pions qu’il avait placés. Voilà la première approche. Bon maintenant pour une deuxième approche, je sais d’aventure que faire un coup d’Etat au Gabon est pratiquement difficile. Je ne dirai pas que ce soit irréalisable mais je dis c’est pratiquement difficile. Je ne vais pas vous dire pourquoi. Si le coup a réussi, il faut savoir que les français l’ont facilité parce que le Palais présidentiel est une merveille de la construction. Vous devez être conscient de la richesse gabonaise. Le Gabon est un pays excessivement riche. Tel que le palais a été édifié, on a mis beaucoup de moyens, vous pouvez chercher le président cent ans, vous ne saurez pas où il se trouve. Je dis bien que le président est imprenable dans ce palais. Il y a la signature des français dans ce coup.
Ali a été piégé en douceur par celui qui était censé le protéger. Ali était invalide, il n’avait plus ses réflexes de sécurité. Il écoutait ce qu’on lui disait et s’exécutait. On a tenu compte de son invalidité qui ne lui permettait plus de continuer son destin. Or, il faut reconnaitre qu’il a été pendant les 14 ans de son règne, le président qui a modernisé l’œuvre de son père. Ali Bongo était un révolutionnaire, mais il agissait en douce comme Paul Biya. Il avait interdit l’exportation du bois et beaucoup d’autres produits afin que cela soit conserver pour l’avenir de la jeunesse. Sa maladie fut certainement un coup raté par ceux qui l’en voulaient.
Ce n’est pas le lieu de se moquer de lui aujourd’hui, c’est un homme qui a beaucoup œuvré pour son pays. Il reste un éminent homme d’Etat. Malheureusement, les Africains agissent toujours comme cette foule qui accueille Jésus le jour de la fête des rameaux et accepte sa crucifixion trois jours après. Brice était un homme qui voulait un jour accéder à cette fonction, il y rêvait puisqu’il a été derrière les deux présidents. Il connait tout. Dire qu’il y a eu machination ourdie de Palais je dis non, l’enjeu est de taille pour qu’on puisse laisser le pays à celui-là. C’est un coup préparé depuis longtemps, par la mère poule, qui était là tout près. Mais seulement lorsqu’on voit le rythme de travail du nouvel homme fort, on arrive à la conclusion selon laquelle il avait déjà un calendrier ficelé. Dans ce cas c’est que l’opinion internationale pense qui s’est réalisé.
Mais je doute fort. Brice Oligui NGuema a de très bonnes idées pour son pays. S’il réussit, il passera pour être un grand réformateur. Il est conscient que la richesse de son pays doit être au service de son peuple. Mais je sais aussi que la situation des étrangers va se compliquer parce que c’est un nationaliste pur et chauvin. Parce que les hommes en tenue n’ont jamais fait de cadeau aux étrangers. Les gabonais acceptent les étrangers, mais les torturent. Un autre fait. Ali Bongo a appelé à l’aide à l’international en anglais au lieu d’appeler ses compatriotes en français. Il s’est adressé à ses amis de l’extérieur en anglais. Pourtant les frontières du pays étaient fermées. Il ne pouvait donc pas recevoir d’aide. Au Gabon, l’anglais est comme l’allemand au Cameroun. Le Gabonais ne comprend même pas ce que veut dire « Hello ».
Le président Ali a joué à une comédie forcée, mais il était malheureux. Il finit son règne dans une tragi-comédie. Par ailleurs, il y a quelque chose de très important qu’on ne dit pas publiquement, c’est le fait que l’opposant Albert Ondo Ossa soit Fang. Au Gabon, on n’évite que cette tribu travailleuse, conquérante et intelligente arrive au pouvoir.
Est-ce que ce coup d’Etat a vraiment résolu le problème des Gabonais ?
Si ça n’a pas résolu le pouvoir, ça résoudra, on ne vient pas au pouvoir pour faire les mêmes choses que celui qu’on a déposé, déjà il a de très bonnes idées, il parle des bourses dans le secondaire, de la sécurité sociale, et la construction des infrastructures ultra-modernes ; les militaires font toujours ce qu’ils disent et le Gabon mérite cela ; c’est un pays qui pouvait être plus développé que le Qatar. C’est un pays de droit. Les Gabonais sont des gens nationalistes et jaloux de leur indépendance. Ce sont des personnes qui n’ont pas peur de la mort. Des personnes capables de tout. Dans un premier temps, les Gabonais vont se contenter d’observer le nouvel homme fort. Il faut savoir que le Gabon est un petit pays de par sa population. On a l’impression que les Gabonais se connaissent tous.
Le Gabon est le seul pays où j’ai vu réellement la liberté et la libre expression en Afrique. Les Gabonais savent accueillir les étrangers. Ils ne sont pas à proprement parler xénophobes. C’est quand ils se sentent étouffés que naissent les outrages à l’égard des étrangers. La preuve, les trois premiers présidents ont épousé des étrangères. Par ailleurs, les Gabonais sont à l’origine des gens honnêtes. Pour eux, ce sont les étrangers qui apportent les mauvaises choses dans leur pays. Les Gabonais sont obligés d’être revêches d’où les violences fréquentes sur des étrangers.
La situation au Gabon, interpelle-t-elle le Cameroun ?
Aucunement, le Cameroun n’est pas le Gabon. C’est deux mondes. C’est facile de tromper un gabonais pas un camerounais qui est sous serment. Je doute fort dans nos forces. Les Camerounais sont exceptionnellement intelligents. Je ne dis pas que les Gabonais ne le sont pas. Mais il y a un art de vivre camerounais qui est très différent de la culture gabonaise. Quand tu observes le président Bongo père, Bongo Fils et Brice, ce sont des personnes ouvertes, dégagées, qui ne se méfient pas trop de l’entourage. Au Gabon, vous pouvez rencontrer un général, un ministre ou un conseiller du président, un maire ou un préfet, un président du tribunal dans un bar en train de boire à bouche que veux-tu ? Je le dis parce que j’étais propriétaire d’un bistrot. Vous ne verrez nullement cela au Cameroun.
Au Cameroun, les tentatives de coups d’Etat et leurs différents échecs ont fait prendre conscience du respect des institutions. Nous avons le sens de l’honneur et de la dignité de la fonction depuis le président Ahidjo. Les grandes écoles inculquent ces valeurs à nos futurs dirigeants. Mais c’est aussi un handicap énorme pour le fonctionnement des institutions. Pour voir un responsable, c’est tout un protocole. Et ça retarde la marche du pays quand il faut s’aligner pour voir un préfet ou un ministre. Ils sont au service du peuple. La fonction de pouvoir a une vertu cardinale. Etre au service de la nation. Nous sommes un pays actuellement très divisés mentalement, dire que cela va se produire au Cameroun, je n’y crois pas du tout. D’ailleurs le cas du Gabon est un cas d’école. Les camerounais très intelligents, vont changer de posture d’ici peu.
Qui viendra dire à un militaire de faire quelque chose ? La personne sera aussitôt arrêtée. Je connais quelqu’un au Cameroun qui avait livré à un haut responsable une information stratégique sur le NOSO, de l’imminence d’une attaque des Ambazoniens, il était de bonne foi, il a aussitôt mis au cachot. En plus Popol aujourd’hui est un patriarche. Il est respecté, on préfère le laisser le tranquille. Il ne faut penser des choses pareilles au Cameroun. Cela peut entrainer l’irréparable à tous les niveaux.
En clair doit-on s’attendre à un départ du Président Paul Biya en 2025 ?
Il n’a pas cette intention, vous le voyez d’ailleurs en pleine forme. Mais la situation du Gabon fait peur, parce qu’il n’a plus d’argument pour y demeurer. Et comme je connais le Cameroun, stratèges et les tacticiens véreux vont se mettre en branle et réfléchir sur ce qui faut faire pour décourager toute velléité de mouvement. Ce que je ne leur conseille plus parce que ça peut être un couteau à double tranchant. C’est pourquoi je dis aux leaders politiques et à d’autres mouchards, de faire très attention (je donne toujours de bons conseils) pour ne pas se lancer à cette heure-ci sur des actes où ils peuvent tomber pour rien.
Pour m’exprimer plus clairement, en ce qui concerne le président Paul Biya, je vous dirai qu’il y a un scénario qui joue en sa faveur. Je vais vous dire pourquoi. Il est essentiel de savoir que la guerre froide est de retour, celle-ci a atteint avec la crise ukrainienne son point volcanique. Il y a un volcan dans le monde. Si le monde était comme au début du XX ème siècle sans arme nucléaire, la guerre aurait éclaté, mais l’arme nucléaire des russes fait peur à l’Occident. Nous vivons un moment très délicats, il suffit qu’il y ait un effet détonateur pour que la guerre éclate ou qu’on élimine une personne. C’est ce qui s’est passé avec le journaliste et l’homme d’affaire. Deux personnes ont été éliminées. On a voulu éliminé l’un pour disqualifier l’autre. C’est sans état d’âme. Donc il faut faire attention. Je n’entrerai pas dans trop de détails.
L’Occident est en train d’atteindre son plus bas niveau économiquement. Cela ne se dit pas encore officiellement. Vous vous imaginez qu’il n’y ait pas de lumière à Paris à partir de 23 h et dans toute l’île de France ? Paris est dans le noir… qui eut cru ? Les produits sont excessivement chers actuellement en Europe. C’est dire que les pouvoirs comme ceux de Paul Biya sont protégés par le camp d’en face. Et le président Paul Biya a risqué sa vie pour préserver le Cameroun de la mangeoire occidentale. Les gens ne le savent pas seulement. Paul Biya est un nationaliste à l’image de Martin Paul Samba. C’est un révolutionnaire qui utilise la non-violence, c’est un révolutionnaire qui fait tout en douceur. Il est d’une sagesse incalculable. C’est une encyclopédie politique en avance sur son temps. Je ne dis pas qu’il fait tout bien, loin de là.
C’est un président qu’on ne sait nullement ce qu’il pense lorsqu’il te regarde ou quand il ouvre la bouche, on ne sait pas si c’est pour rire ou pour mordre. Il faut toujours se méfier de ce genre de personnage visiblement affable. A l’approche de 2025, il y aura des événements comme d’habitude, des tactiques qui vont disqualifier ses concurrents, le ralliement sera fort. Vous n’avez pas voulu évoquer le cas Franck Biya, je n’en dirai pas plus aussi, mais s’il venait, ce sera la mer à boire. Mais ce qu’il est nécessaire de retenir, c’est que le cercle qui nous dirige ne donnera pas le pouvoir à une opposition, c’est un rêve, ce sera toujours une personne loin du sérail. Sauf miracle divin. Le pouvoir actuel n’a pas été saint. On ne peut pas lui en vouloir. Personne ne peut diriger en Afrique sans dictature. Personne. Il voit l’expérience qui se déroule autour de lui après les départs des présidents, le clan Franck joue à un jeu. Je crois. Toujours est-il que les camerounais ont des mains enchaînées. Si cela arrive même personne ne pourra s’y opposer farouchement puisque l’argent va circuler et les camerounais sont faibles devant l’argent.
Justement je ne pouvais manquer de vous poser la question sur Franck Biya. Que pensez-vous du mouvement dont les membres voient en Franck Biya celui-là qui peut faire le consensus après le règne de son père ?
Consens quoi ? Vous savez je ne peux parler de Franck Biya tout simplement parce qu’il faille montrer de l’aigreur à l’égard d’une personne parce qu’il ne m’a rien fait. Pour moi c’est le bien être des camerounais qui m’intéressent. Je ne pense pas que Franck Biya ait une intention de ce genre. Le vrai jeu est caché, je crois. Parce que si Franck Biya avait une intention quelconque, il aurait déjà eu une idée sociale même pour tromper la jeune, comme je vois Théodoro Nguema, qui va vers la population pour voir, résoudre et informer son père, supprimer les injustices. C’est déjà une idée sociale. Mais venir seulement comme ça un jour et demander qu’on vous vote, ce serait sur quelle base ? Vous savez que les camerounais aiment les beaux garçons, voilà déjà un atout (rire), il y a aussi son charisme, mais qui connait sa culture politique ? Puisqu’il est taciturne.
A présent au Cameroun on ne veut plus les présidents sournois, cela nous a coûté cher. On ne devient pas président en rencontrant les chefs traditionnels. Il est camerounais ; s’il veut être président qu’il entre en campagne et qu’il présente son projet social, c’est facile pour lui de le faire, puisqu’il a les moyens de le faire. S’il a un bon projet social qui me convainc, je le vote tout simplement parce que ce projet peut apporter des solutions à la souffrance des camerounais. Mais pas pour sa beauté. Je suis d’ailleurs convaincu que la nouvelle constitution gabonaise fera attention à ce genre de succession.
Quelle pourrait-être l’issue favorable pour une transition pacifique au Cameroun ?
Il faut faire très attention avec ces gens de Yaoundé. Si vous n’avez pas peur des hommes politiques, je vous prie d’avoir peur d’eux. Ils sont machiavéliques. Il y a un enjeu politique historique, et ils ne vont pas s’amuser. Regardez le sort qu’ils ont fait subir à Martinez Zogo. Ils sont capables de pire. La transition sera une surprise puisque le Cameroun est un pays des surprises. Qui savait que Paul Biya serait président ? Nous fûmes tous surpris en 82, je revois cela comme d’hier. Ce sera la même chose. Les Camerounais vont se réveiller un matin avec un nouveau président devant eux. Ils ne tiendront pas compte de la constitution. Tous les scénarios sont envisageables parce qu’il n’y a personne au Cameroun capable de lever la tête. Le Camerounais, généralement, tient à sa vie. Et pourquoi ne voulez-vous pas que la transition ne soit pas pacifique ?
Le leader du MRC dont on se souvient qu’il a refusé de présenter son parti aux élections législatives et municipales de 2020, s’oppose aujourd’hui à l’éventualité d’un report des prochaines législatives et municipales. Quelle observation faites-vous de cette manœuvre projetée du MRC ?
C’est la politique du spectacle, c’est même le vedettariat. Le MRC est un parti qui a suscité de l’espoir. On croyait qu’il pouvait apporter à la politique africaine ce qui lui manquait. Je l’ai soutenu intellectuellement avant de comprendre que j’allais me fondre dans un parti régionaliste mal entourés. Comment un leader politique peut-il se permettre de dire devant la plus haute juridiction : « Je suis Bamiléké, toi tu es Bulu » J’étais tétanisé, je me souviens ce jour-là je ne tenais plus sur ma chaise. C’était politiquement idiot parce que par ces mots, le professeur a inauguré la lutte tribale qu’on voit aujourd’hui. Pas plus que Franck Biya, Kamto n’a pas de chance. Le professeur a cru qu’il pouvait donner à cela une explication intellectuelle, mais l’homme de la rue ne comprend que ce qu’il a dit.
Ce jour-là, il s’était vraiment égaré devant l’arène qui juge son domaine de métier. J’ai eu des frissons, quel langage aussi bas politiquement ! Il y a eu d’abord la fermeté du ton qui en disait long. J’ai eu honte. On peut expliquer d’autres choses, mais il a dit ce qu’il a dit. Cela sortait de son subconscient. Qui lui a dit qu’il y avait un problème Bamiléké – Bulu ? C’est ce jour-là qu’il s’est enterré politiquement. Heureusement que Grégoire Owona l’a recadré. Grégoire n’est pas un juriste, mais l’avait démontré ce jour-là qu’il ne savait pas où il allait. « Que vient faire l’histoire des Bamiléké ici, que vient faire l’histoire des Bulu ici». Voilà l’âme camerounaise restituée. Et vous voulez qu’on élise quelqu’un comme celui-là. Le leader du MRC ne sait pas quoi faire de son leadership. C’est une personne qui adore le vedettariat intellectuel. La théorie des démonstrations juridiques avec les Gaston Gèse, ou Roger Latournerie. C’est dommage pour quelqu’un qui boycotte une élection en privant ses camarades de se construire une carrière politique. Quel gâchis ! Quel gâchis ! Quel gâchis ! En politique, on ne boycotte pas.
La démocratie, c’est quelque chose de très cher. Lorsqu’il y a une petite parcelle, il est essentiel de l’occuper. Venir en politique et vouloir à tout prix gagner, est une erreur de jeunesse politique. C’est pourquoi il se fantasmait déjà d’être un président. Malgré toutes ses connaissances qu’il possède, la façon du leader du MRC de faire la politique énerve. Il ressemble à un savant égaré et sans abris. Une personne qui a une foule derrière lui et qui tombe dans des erreurs d’amateurs, c’est regrettable. Par ailleurs, il ne condamne pas les violences des personnes qui se réclament être ses partisans.
Une grosse erreur, bientôt on va le caricaturer comme une personne qui soutient la violence. Le moment venu, ces gens de Yaoundé utiliseront cela contre lui. Ses erreurs ont fait que ses camarades demeurent en prison. Regarde les souffrances des militants en prison. Le leader du MRC a été mon professeur, mais il est décevant. Il se comporte comme un général à qui on a donné les meilleures armes, mais qui au champ de bataille ne sait ni lire la carte opérationnelle, ni mener une bataille, il s’égare sur le champ de bataille. Il sera balancé tel une tisse comme en 2017. C’est dommage pourtant c’était la fine fleur qui nous restait dans ce pays des années 90. Et à présent, il faudra attendre longtemps.