Mag-Afriksurseine-Mars-2024

JIMMY BATTERIE LE GRAND BATTEUR MONDIAL

JIMMY BATTERIE

Je viens afin d’avoir Jimmy Batterie après avoir longtemps cherché à l’interviewer. Ce métronome de la musique camerounaise est incontestablement l’un des meilleurs batteurs camerounais de la diaspora.  j’éprouve un immense plaisir à le voir jouer en concert, c’est le grand  talent. Il a un parcours  impressionnant dans le monde de la  musique. Nous avons eu un échange fructueux qui sera bénéfique pour tous ceux qui liront cette interview.

Bonsoir Jimmy Batterie, je sais que tu es très connu en tant qu’artiste, mais il y a ceux qui vont te découvrir pour la première fois.  Peux-tu  te présenter à ceux-là ?

Je vous remercie de m’avoir accordé cette interview. C’est vrai je suis comme tout batteur resté très  discret, seul le bruit des sons qu’on émet nous rappelle notre statut toujours  en arrière-plan. Mais je suis très visible sur scène. Je suis donc Jimmy Batterie, de mon vraiment Narcisse Djomassi. Je suis camerounais, je réside aux États-Unis depuis 22 ans aujourd’hui après avoir vécu en Allemagne puis en France. Je suis un artiste plein, et très ancré dans le monde musical, et parallèlement, je dirige  certaines affaires personnelles.

Quel a été ton parcours académique ?

J’ai fait mes études au Cameroun, mais j’étais obsédé par l’art. Je suis un artiste plein, parce que  je dois vous dire que le domaine qui m’attirait était le football. J’ai joué la haute compétition du championnat,  je fus d’ailleurs présélectionné à l’équipe nationale junior, mais mes parents ne voulaient pas entendre parler de football, j’ai dû arrêter pour l’école. j’ai opté discrètement pour la musique pour contourner mes parents. Après le bac, je suis allé en Allemagne continuer mes études supérieures mais finalement  la musique va gagner tout le terrain.

Comment es-tu arrivé à la musique ?

Comme je vous l’ai dit plus haut, le football était ma passion, les parents m’ayant fait barrière ;  j’ai ouvert une autre porte qui était plus discrète. C’est dans l’enfance au quartier que tout prend forme. Je commence d’abord par fabriquer les tam-tams, à partir des boîtes de conserve. Au quartier, on avait un orchestre d’enfants comme cela se voit partout. J’aimerais rappeler le souvenir des autres amis qui jouaient à cette époque-là ;  il y avait Joseph Tayos, Ekoumé Joel, Jean Thia, Pierre Talla qui est devenu le saxophoniste de la CRTV et de la célèbre émission Télé Podium. Je ne manquerai pas de citer le regretté Behina Flavien (Bemol) et Monkoué Patrice (Pat Bass). Nous avons créé un petit orchestre pour agrémenter nos soirées, j’étais donc batteur du groupe et Borgia Bassiste. La musique me violentait le corps, c’était un véritable coup de cœur, je ne pouvais pas m’en passer, c’est devenue un coup de foudre. Le vrai déclic s’est imposé lorsque j’ai eu mon mentor Behina Flavien(dit Bemol), c’est à lui que je dois sous l’aspect scientifique la compréhension de la musique, qui est une activité de l’esprit qui se lie à l’âme à partir d’un corps. C’est donc dire que la musique unit le corps, l’esprit et l’âme. Il ne faut pas voir dans mon propos quelque chose d’ésotérique, c’est une explication approfondie de mon métier.

Tu es batteur connu et reconnu, quel est le rôle du batteur dans un orchestre ? 

C’est le grand patron. Le batteur est un homme multiforme, il connait presque tous les instruments de musique, souvent il les joue. Tout instrument dans la musique a un langage, et le batteur doit comprendre ce langage pour les retraduire. Tu comprendras donc que  le batteur c’est l’homme qui s’adresse à ses collègues en utilisant la langue de la batterie. Parce qu’il est au cœur de la musique, c’est lui qui donne le coup d’envoi, c’est lui qui baisse le ton, sa position lui permet de voir tout, non seulement ses collègues, mais aussi le public. Il est la pierre angulaire d’un orchestre, bien qu’il ne soit pas très vite pris en considération, c’est lui qui fait danser le public. Pas de batteur,  pas d’ambiance festive à l’allure  frénétique. La batterie est un instrument rythmique, il s’adapte à tous les rythmes, il porte tout l’orchestre avec lui.

Avec qui as-tu joué au plus haut niveau ? 

C’est une question qu’on ne pose pas à un artiste de mon âge. Imaginez quand un batteur a joué avec Messi Martin, Mama Ohandja. Tous les artistes Bitkusi d’aujourd’hui qui rayonnent à travers le monde, ce sont mes petits frères, ou petites sœurs. Je les ai tous accompagnés que ce soit au Cameroun, en Allemagne ou  aux Etats Unis. Regarde quel honneur d’avoir été  le batteur de Jacop NGougni qui fit la gloire de Nico Mbarga. J’accompagne beaucoup de grands noms de la musique africaine et mondiale résidant aux states.

Quels commentaires  peux-tu faire sur  la musique camerounaise ?

Oh, mon cher ami, la musique camerounaise est envahie par d’autres sons. Je sais que c’est le panafricanisme musical, mais il faut faire attention, parce que la musique est un vecteur de transmission culturelle, la musique peut vous acculturer et vous faire  perdre votre originalité. Nous devons rejouer le Bitkusi ou le Makossa dans son essence des années 80 et 90.  Il ne faut pas trop introduire les instruments modernes et d’autres rythmes  cela fait perdre notre originalité. La musique c’est comme le football. Regardez comment nos stades se sont vidés à un moment donné au profit du football européen qu’on préférait regarder. Notre football avait notre originalité. Le Congo ne sort pas de sa culture. Les musiciens les développent mais en puisant toujours dans son essence pas ailleurs.

On parle rarement des batteurs dans le monde musical, peux-tu nous citer tes modèles dans la batterie ?

C’est sans détours, c’est Wassi Brice. C’est une virtuose de la batterie, c’est un homme qui a compris la batterie comme Socrate comprenait la philosophie ou comme Milla et Eto’o Fils  jouaient au football. Par la suite, il y a Jojo Kouoh et Valéry Lobè.

Peut-on s’attendre à ce que vous chantiez un jour ?

 Non, du tout, le chanteur utilise un instrument : sa voix. Moi, j’utilise mon instrument qui est  la batterie, c’est le même rôle que nous jouons dans un orchestre, le chanteur a seulement la chance d’être devant la scène et d’avoir un rayonnement. Mais nous jouons tous le même rôle.

Qu’est-ce qui te rend le plus fier aujourd’hui ? 

Ce sont  les voyages. La musique m’a fait découvrir le monde. C’est une école de la vie. J’ai vu et appris des choses que même l’école ne m’aurait jamais montré. Jai formé des jeunes frères qui adorent la musique à l’instar de Guy Nwogang ( petit Guy), qui fait ma fierté et qui gagne bien sa vie dans la musique. J’ai rendu des gens heureux à travers le monde. J’aimerais très tôt vous dire que la musique m’a tout donné .  Il ne faut pas imaginer que ce fut une activité dilettante, c’est une vocation. J’étais fait pour cela et l’autre chose qui me rend fier c’est d’avoir côtoyé des grands noms ici aux states comme le docteur Gino Sitson le musicologue, les grands frères Armand Ntep(chanteur, interprète et compositeur) et Frederick Ndoumbè (bassiste arrangeur), et le regretté Jacop Ngougni,  il n’y a pas meilleurs rencontres comme celles-là. J’oubliais de vous dire que je suis chef d’orchestre d’un groupe ici aux States depuis 18 ans au nom du » Lions Band ». C’est une grande responsabilité, c’est une expertise en matière de ressources humaines dans le domaine musical, c’est une grande expérience humaine.

Que penses-tu de l’avenir de l’art, des artistes, et de la musique en général ? 

L’art sera toujours au top de sa création lorsqu’il  aura des grands hommes qui savent ce qui faut créer. La musique depuis l’aube des temps  a joué sa partition dans notre existence, elle a sauvé des vies, le fait qu’elle adoucisse les mœurs, montre son rôle qui est essentiel. Pour la musique et les musiciens, son avenir sera radieux, c’est le beau métier au monde parce les sons touchent tous les cœurs, avec la musique on a combattu des systèmes nuisibles, on a  lutté pour la condition ouvrière et suscité  des passions. Il faudra seulement la préserver des travers et des textes qui n’ont rien à voir avec le son agréable. Si non la musique est au début et la fin de toute chose.

Quels conseils donnerais-tu  aux jeunes artistes ?

Je veux  leur dire d’apprendre à fond ce métier lorsqu’ils ont choisi de faire carrière, de se former avant de se lancer. La musique c’est quelque chose d’instinctif, mais quand on va l’échelle international, il faut être professionnel, ça ne rigole pas, je leur conseille  de travailler leur voix, l’artiste est là pour défendre une communauté. Il suffit de mal faire pour que toute une communauté musicale soit rejetée. Je leur dirai de ne pas se presser à être star. De ne pas toucher des choses louches, parce que cela n’aide, la musique c’est le talent qui compte, c’est comme le football, il faut connaitre les règles et il faut avoir la forme le reste vient après. Il faut être patient, il faut  travailler un tube avant de le mettre sur le marché. Aussi de ne pas être vulgaire, D’être discret, le vrai artiste est celui qui est rare, l’artiste est un Demi-Dieu. Qui voit Dieu ? Personne. L’artiste doit être rare parce qu’il a un modèle de la société, si tu veux faire carrière, il faut créer un mystère autour de soi, car lorsqu’on te voit trop, on n’a plus envie de te voir.

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