Je parle de quelqu’un dont les moins de trente ans ne peuvent pas connaître : Jean Pierre Sadi, frère de Réne Sadi, actuel ministre de la Communication, était un passionné de football. Tout au long de sa vie, il a œuvré pour ce sport, d’abord au niveau des clubs avant de rejoindre les Lions, que ce soit en équipe minime, junior ou senior. Tout a commencé dans les années 70 à Nkongsamba, lorsqu’il venait fraîchement de sortir du Centre Régional d’Éducation Physique et Sportive de Garoua, aujourd’hui connu sous le nom de CENAJES. Il y a effectué son stage et a rencontré des joueurs comme Tshebo et Michel Kaham.
Cette année-là, il a mené l’Aigle Royal au titre de champion du Cameroun, faisant ainsi de ce club le premier en dehors de Douala ou de Yaoundé à remporter le championnat national. À partir de 1985, il a travaillé aux côtés de Claude Le Roy, et avec lui, ils iront jusqu’à la Coupe des Nations de 1988, après avoir été vice-champion d’Afrique en 86 et vainqueur de la Coupe Afrique-Asie en 85. Claude le Roy s’en va au Sénégal, Jean pierre prend la relève au sein des lions indomptables, mais il échoue à la coupe de l’UDEAC devant le Gabon. Il est congédié. Il s’efface temporairement, on le voit réapparaitre de façon sporadique à la télévision camerounaise lors du dernier match éliminatoire de la Coupe du Monde 1990 en Italie.
Cameroun-Tunisie, en tant que consultant. Au match retour de cette confrontation, Oman Biyick marque dans les 5 premières minutes. Jean Pierre Sadi déclare ce mot que je tiens de lui et qu’il tenait ainsi qu’il me l’avait dit de Gerard Dreyfus, célèbre chroniqueur sportif français. « Ces camerounais sont un peu mystiques ». Il est revenu en 1991 et connait son plein épanouissement lors des Jeux Africains au Caire, où il remporte la médaille d’or avec une équipe de joueurs locaux.
Jean Pierre Sadi était un nom fréquemment mentionné dans les médias à cette époque. Ceux qui ont eu la chance de le rencontrer savent combien son amour pour le football occupait une place primordiale dans sa vie. Il entraînait des joueurs tels que Rigobert Song,Womé Lend et bien d’autres, dont Olembé, au mondial de Montaigu. Il était alors à la formation des jeunes à l’école des brasseries. Puis, c’est de nouveau le grand silence. Pourtant, il se retrouve à Limbé, où il dirige les équipes locales du vénérable Jalakwa. Encore un autre silence. C’est alors que je le retrouve à Cotonou en 2005.
Je partais pour le Burkina Faso, et notre rencontre fut belle, car il était ému de voir quelqu’un l’interpeller et lui parler dans sa langue maternelle. Nous avons passé toute la journée ensemble dans le quartier Saint-Michel, passant en revue les histoires du football camerounais. À ma question de savoir si parmi les jeunes qu’il avait formés, quelqu’un était déjà venu le revoir, sa réponse fut brutale : « Personne, pourtant toutes ces stars du football sont passées entre mes mains ». Après un moment de silence, il ajouta : « Seul Jean II Makoun m’avait cherché spontanément ». Bien évidemment, nous avions parlé de la Fecafoot. Les histoires qu’on observe aujourd’hui ne différent pas de ce qu’il me confiait il y a presque 20 ans.
J’aimais sa façon limpide de parler dans sa langue maternelle ; il maitrisait le Vuté comme au vieux temps. Nous avons également parlé de son frère Noël que j’avais rencontré à l’époque de son vivant à l’université de Yaoundé. Jean Pierre s’en va après avoir bien servi son pays dans le domaine que tout le monde adore : le football. Sa disparition constitue une grande perte pour la communauté sportive, et surtout pour le peuple Vuté auquel il appartenait. Afriksurseine, par ma voix, s’incline devant la dépouille de cet homme d’une grande humilité qui a rendu de nombreux services sur le plan éducatif et sportif à notre pays. C’était un grand entraîneur, passionné par son art, et comme tout grand artiste footballeur de l’époque, il disparaît dans l’anonymat total.