Mag-Afriksurseine-Mars-2024

Le Cameroun à l’heure du choix

Une rhétorique émotionnelle s’est installée dans les débats télévisés et dans les prises de position du clergé au dépend d’un débat rationnel qui met à nue quarante-deux ans d’une autocratie électorale. La rue s’en est mêlée pour laisser place à une cacophonie indescriptible. L’élection présidentielle de 2025 sonnera-t-elle le glas d’un pouvoir frappé de cécité ?  Une voix « discordante » est venue bousculer la somnolence coutumière à l’Assemblée Nationale.

L’Honorable Cabral Libii a relevé le niveau des débats pour dénoncer les abus d’un pouvoir politique et ses choix hasardeux à l’horizon 2035.  Ces éclats de voix ont largement été repris par les réseaux sociaux où dominent la colère et la frustration face aux échecs successifs du pouvoir entachés par la corruption, le tribalisme, le chômage endémique des jeunes diplômés ou non. A ce climat politique et économique s’ajoute l’absence de perspectives d’un pouvoir gérontocratique et incapable de se réinventer.  Les débats argumentés entre adversaires politiques sur les plateaux de télévision se sont transformés en pugilats.

La grande perdante est le RDPC dont le bilan politique, social et économique est indéfendable. Cette situation peut-elle profiter à l’opposition dans un système électoral verrouillé ? Désormais, l’opposition et la société civile ont changé. Elles s’expriment sur la polarisation de la société et du système politique incapable de mettre fin aux injustices qui jalonnent son long et chaotique règne. L’Assemblée Nationale étant acquise au pouvoir RDPC, l’opposition s’exprime maintenant dans les réseaux sociaux sur la violence et les intimidations qu’elle subit.

Ce nouveau phénomène reflète une désinstitutionalisation manifeste de l’Assemblée et interroge le caractère encore gouvernable du Cameroun, y compris avec des réformes institutionnelles au moment où les passions et les réseaux sociaux écrasent toute culture du débat. Le grand public découvre avec effroi la violence politique du système Biya après plus de quarante ans de règne sans partage.

Le RDPC, après quatre décennies de pouvoir sans partage est marqué par la longévité à des postes clé de certains ministres et toujours le même président. Cet immobilisme a laissé place à une gabegie devenue incontrôlable qui exacerbe le citoyen dans l’antre de notre monocratie.

Est-ce le signe d’une rupture annoncée ? Les échéances présidentielles de 2025 approchent. Paul Biya ne cache plus ses ambitions. Il sera bien le candidat « naturel » du RDPC. Malgré l’âge (92 ans), il se sent encore apte à assumer ses fonctions. Ce surhomme va au bout d’une logique qu’il s’est taillé sur mesure face à un peuple longtemps étouffé et gagné par l’empathie. Le temps lui donnera-t-il raison ?

Nous en doutons. La colère du peuple est à son paroxysme et dans son propre camp où il a été incapable de désigner un dauphin. Cette colère est une composante des émotions exprimées et qui est le prélude d’une révolution quand le peuple ne croit plus aux élections gagnées d’avance.

La convulsion politique actuelle nous semble complètement inédite. Elle est la conséquence d’un pouvoir usé et aveugle en fin de règne qui prend le risque d’affronter un peuple décidé à briser toutes les chaînes qui freinent son besoin croissant d’émancipation et de rupture avec le système en cours.

Le climat politique en cours est totalement inédit. Il nous fait découvrir l’électeur émotionnel qui s’inscrit sur les listes électorales. Ce dernier est courtisé par tous les camps et peut faire basculer les élections trop longtemps maquillées. Une chose est certaine, cet électeur réalise enfin qu’il a son mot à dire. Dans ce contexte, la colère gronde dans le cercle du pouvoir face à l’éveil du citoyen trop longtemps manipulé et privé de ses droits.

 

La prochaine élection présidentielle au Cameroun n’est certes pas jouée. Mais seul un nouvel homme  peut calmer la colère du citoyen à bout.

 

 

Par Michel Lobé Etamé

Journaliste Indépendant

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