Par Michel Lobé Etamé
Au Sénégal, Bassirou Diomaye Faye, nouveau président fraichement élu a créé la surprise dans toutes les capitales africaines habituées à voir les présidents indispensables rempiler, au mépris de leur constitution. Dans un contexte social où nous avons été sevrés de slogans trompeurs et mensongers qui rabâchent dans nos crânes rasés que la « force de l’expérience » est et demeure le seul critère pour diriger un pays, la jeunesse sénégalaise vient d’écrire une nouvelle page de l’histoire africaine. Elle a choisi, en toute transparence, un jeune homme de 44 ans qui n’a jamais occupé un poste dans le panier à crabes des hommes du sérail.
Il était temps ! La campagne de l’élection présidentielle au Sénégal a été la plus courte au monde : à peine dix jours. Le peuple, lassé des mensonges, du clientélisme, de la corruption et des violences policières, n’aspirait plus qu’à la paix et aux discours de rupture dans une Afrique où la jeunesse, à travers les réseaux sociaux, voulait un changement de société et la mise à l’écart des vieux baroudeurs séniles de la politique. Macky Sall, malgré ses deux mandats, n’a pas su apporter de réponses appropriées aux aspirations du peuple. Un peuple qui l’a élu pour changer de trajectoire et propulser le Sénégal vers demain. Au cours de ses deux mandats, Macky Sall a été usé par le pouvoir.
Il s’est fourvoyé dans un chemin sans issu. Il porte la responsabilité des échecs d’un pays où la violence policière a laissé des traces indélébiles. Comme ses compères en Afrique francophone, il n’a pas su apporter des réponses adéquates au chômage, à l’éducation ni à la santé. La jeunesse ne lui a pas pardonné ses errances et sa navigation à vue. Il a manqué de cohérence dans la gestion des richesses endogènes comme nous le rappelle les contrats des hydrocarbures bradées à des multinationales. La corruption et le clientélisme ont eu raison d’un homme qui n’a pas su être à la hauteur de ses fonctions. La jeunesse sénégalaise, éclairée, bienveillante et alliée à la société civile, ne pouvaient laisser l’occasion de le sanctionner.
Qu’on se le dise, les élections transparentes sont une aubaine en démocratie où le pouvoir échoue à bâillonner l’opposition. Macky Sall a échoué et son peuple l’a sanctionné malgré les violences de ses forces de sécurité. Ce peuple mature a fait fi à la peur ; à l’insécurité et à l’abus du pouvoir d’un régime déclinant. L’échec de Macky Sall est aussi un message aux pouvoirs gérontocratiques qui s’accrochent au pouvoir, tels des moules sur un rocher. L’élection de Bassirou Diomaye Faye est un signe qui ne saurait tromper. Elle marque l’extinction des dinosaures en poste et qui ne sont plus en adéquation avec notre temps.
Il est temps que la jeunesse prenne le pouvoir car elle est décomplexée et aspire au bonheur spirituel et matériel pour le bonheur de tous. Dans un pays où l’opposition politique joue crânement son rôle, Macky Sall n’a pas voulu partir en beauté, en seigneur. Il a tragiversé comme ses pairs autocratiques à la fin de son deuxième mandat. Il a eu tort car l’opposition sénégalaise, jeune et bienveillante a su s’organiser malgré les entraves érigées par le pouvoir en place.
Le duo formé par Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko a résisté aux bourrasques qui soufflaient pour les réduire au silence dans une prison aux relents puants. Mais il en fallait plus pour briser un duo formé de longues dates avec un projet commun : la rupture avec l’ancien système hérité de la colonisation et qui a fait de la corruption un préalable à toutes les transactions. D’autres élections majeures se profilent à l’horizon 2025 en Afrique où les vieux mammouths, usés et séniles veulent s’accrocher au pouvoir malgré le handicap de l’âge.
La jeunesse ne saurait le tolérer. Elle va s’inspirer de Bassirou Diomaye Faye et de Ousmane Sonko qui ont brisé le miroir aux alouettes. L’heure de vérité a sonné. L’Afrique a besoin, plus que jamais, de dirigeants jeunes hautains, décomplexés et ambitieux pour sortir du sous-développement systémique qui brise tous les espoirs d’une vie meilleure sous les tropiques. Les femmes et les hommes sont disposés à franchir le pas. Ils ont vaincu la peur pour commencer un nouveau cycle de perspectives au moment où le monde multipolaire leur tend les bras.
Cabral Libii, une figure de l’opposition camerounaise a été invité à la cérémonie d’investiture du nouveau et jeune président sénégalais. Est-ce un signe du destin ? L’avenir nous le dira. La jeunesse africaine est plus que jamais décidée à assumer son rôle pacificateur et à mettre fin au cycle hégémonique qui a brisé tant de vie et d’espoir en Afrique. Ne dit-on pas qu’aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre d’années ? Voilà un adage qui s’inscrit dans l’arène politique de la nouvelle Afrique.