Mag-Afriksurseine-Mars-2024

LIONS INDOMPTABLES : LE CAPITAINE VINCENT ABOUBAKAR PREND ENFIN LES CHOSES EN MAIN

Hier soir, le capitaine de l’équipe nationale a pris les choses en main pour adresser un communiqué à l’attention de tous les Camerounais. Ce message, officiellement destiné au ministère et ensuite à la FECAFOOT, vise en réalité, de manière subtile, Samuel Eto’o Fils. Le capitaine Vincent Aboubakar y déclare notamment : « Permettez au coach qui travaille avec nous au quotidien d’exercer dans la sérénité, notamment en lui permettant d’avoir à ses côtés son assistant, qui, tactiquement et stratégiquement, est un maillon indispensable à la chaîne. » Le ton utilisé est respectueux et modéré, presque diplomatique. L’emploi du mot « permettez » indique une volonté de ne pas heurter, tout en posant une demande ferme. Il s’agit d’un appel au bon sens, formulé dans un registre de requête collective, mais sans agressivité.

Cette partie du communiqué, sous des airs calmes, est en réalité un signal d’alarme bien formulé, une prise de position collective en faveur de la stabilité technique et du respect de l’environnement professionnel de l’équipe. Elle met en lumière le malaise latent entre les joueurs, le staff technique et les décideurs institutionnels, tout en appelant à une résolution apaisée. La volonté de protéger l’environnement de travail du sélectionneur est claire : « exercer dans la sérénité » laisse entendre que le climat autour de lui est perçu comme tendu, instable, voire perturbé. La demande de maintenir ou de rétablir la présence de son assistant, qualifié de « maillon indispensable à la chaîne », souligne son rôle clé, non pas seulement sur le plan logistique, mais surtout pour les aspects tactiques et stratégiques du jeu.  Le communiqué  positionne l’assistant dans un rôle qui dépasse le simple cadre d’un adjoint : il est valorisé comme une pièce centrale du dispositif de performance. Cela peut aussi être lu comme une remise en question d’une décision administrative perçue comme technocratique ou injustifiée.

Comme on pouvait s’y attendre, la FECAFOOT a réagi avec ces mots : « Bonsoir chers Lions Indomptables, la FECAFOOT, qui est votre interlocuteur, est étonnée de découvrir votre communiqué, bravant ainsi le droit de réserve qui régit la charte de tout joueur convoqué en équipe nationale. Pourtant, une simple sollicitation verbale à votre hiérarchie pour une concertation aurait été suffisante. Nous prenons acte de votre demande et nous vous convierons à une réunion de travail afin de trouver le meilleur compromis, après le match déterminant contre la Libye. Cordialement. » Le ton se veut formel et apaisant en apparence, mais il contient des sous-entendus de recadrage et de rappel à l’ordre.

En qualifiant les joueurs de « chers Lions Indomptables », le communiqué tente d’adopter une posture bienveillante. Toutefois, cette introduction contraste fortement avec un contenu plus directif et moralisateur. « La FECAFOOT… est étonnée de découvrir votre communiqué » Ce passage exprime une forme de désapprobation. Le mot « étonnée » suggère que la démarche des joueurs est jugée inappropriée, tout en dévalorisant implicitement leur initiative comme étant hors cadre. « Bravant ainsi le droit de réserve… » Ici, la FECAFOOT rappelle une règle, mais le ton trahit une tentative d’intimidation douce. Il s’agit de repositionner l’autorité hiérarchique et de rappeler aux joueurs leur devoir d’obéissance et de discrétion. « Une simple sollicitation verbale… aurait été suffisante. » Cette phrase minimise la portée du geste des joueurs, en le réduisant à une démarche inutilement publique. Elle insinue que les joueurs ont exagéré, ce qui revient à délégitimer leur ras-le-bol et à ignorer la profondeur de leurs préoccupations.

En annonçant une réunion après le match contre la Libye, la FECAFOOT reprend l’initiative du dialogue, mais reporte la concertation, ce qui peut être perçu comme une stratégie pour désamorcer la mobilisation immédiate, ou gagner du temps. L’esprit du message montre que la FECAFOOT cherche à conserver la position dominante, à recadrer les joueurs tout en leur tendant la main, mais selon ses propres conditions. Il n’y a ni reconnaissance d’un malaise légitime, ni remise en question. L’attention est portée uniquement sur la forme de l’action, et non sur son fond. En réalité, ce message a l’apparence de la conciliation, mais il rejette le mode d’expression des joueurs, renforce l’autorité de la fédération, et déplace le débat vers le respect des procédures, plutôt que de traiter les revendications essentielles. Nous sommes ici dans un schéma classique d’une réponse verticale d’une hiérarchie à ses exécutants.

Comme commentaire nous dirons : Vincent Aboubakar n’a aucunement cherché à semer le désordre ou à défier l’autorité de la FECAFOOT. Ce communiqué s’inscrit dans une volonté de dialogue et une quête de conditions optimales pour représenter dignement le Cameroun. Si cette démarche a été perçue comme une entorse au droit de réserve, il est bon de rappeler qu’elle a été portée dans un esprit de responsabilité collective, face à des réalités que tout Camerounais lucide peut observer. Il faut saluer la FECAFOOT pour avoir, malgré tout, accueilli cette remarque sur la discipline avec un certain calme apparent. Mais rappelons que le respect mutuel et l’écoute sont les piliers de toute gouvernance efficace. C’est dans la confiance, non dans la crainte, que se construit un ordre durable.

La FECAFOOT affiche une volonté de dialogue. C’est un pas. Mais il faudra aller plus loin : écouter réellement les voix des premiers concernés — les joueurs. Historiquement, les grandes figures du football camerounais, comme Roger Milla, Joseph-Antoine Bell, ou même Samuel Eto’o, ont su parler haut et fort à leur époque, et en ont tiré respect et postérité. Pourquoi les joueurs d’aujourd’hui n’en auraient-ils pas le droit ?

Prendre la parole collectivement, dans un cadre mesuré et réfléchi, n’est pas une rébellion : c’est une preuve de maturité. Ces hommes ne mendient pas leur place. Ils sont déjà des stars reconnues, des ambassadeurs du Cameroun. Le charisme ne se mesure pas à la violence du ton, mais à la capacité d’assumer, de fédérer et de parler avec courage. C’est ce que Vincent Aboubakar a démontré, et il trouvera du soutien.

Faut-il rappeler que la performance sportive repose sur un environnement sain, une gestion cohérente et un climat de confiance ? Depuis des mois, les signaux d’alerte se multiplient : désorganisation, décisions unilatérales, manque de lisibilité. Ignorer cela, c’est faire preuve de mauvaise foi, ou d’un déni volontaire. Enfin, la posture silencieuse des joueurs derrière leur capitaine ne traduit pas une manipulation, mais une solidarité consciente. L’unité n’est pas un décor : c’est une force stratégique, une affirmation. Le football camerounais ne progressera ni par l’opposition, ni par la répression. Il progressera par le respect, l’écoute, et l’inclusion de toutes les voix, notamment celles des joueurs, acteurs centraux de ce sport. À ceux qui parlent de manipulation, répondons simplement : et si, cette fois, il ne s’agissait que de lucidité et de courage ?

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