Par Yana Bekima
LEGITIMITE et RECIPROCITE DIPLOMATIQUE (Réflexions à propos de l’expulsion de l’ambassadeur Français au Niger.)
En effet, les nouvelles autorités du Niger ont fini par appliquer le principe de la réciprocité afin d’équilibrer les actes. Nous avons vu les mêmes crises diplomatiques au Mali et au Burkina Faso produire des effets similaires. C’est l’équité, la réciprocité et l’équilibre qui guident les relations internationales. L’Afrique aspire à la respectabilité, car ce sont ces principes qui font en sorte que les Africains soient respectés dans le monde. L’on ne peut leur imposer des mesures injustes et s’attendre à ce qu’ils soient muets comme des carpes. La dynamique du monde n’est plus celle de l’hégémonie coloniale ou néocoloniale, mais plutôt celle d’un monde multipolaire. L’équilibre du monde est en train de basculer.
LEGITIMITE
Les autorités nigériennes sont légitimes au même titre que celles du Tchad et de plusieurs autres pays africains qui souffrent d’un véritable manque de légitimité. Soyons sérieux ! Si l’on souhaitait bien appliquer ce principe, on aurait peu de diplomates dans les chancelleries françaises.
La légitimité, est-elle à géométrie variable ?
Le général De Gaulle, fondateur de la 5ème république, était un militaire rebelle, opposé au Maréchal Pétain. Il fut condamné à mort et s’enfuit en Angleterre. Et pourtant, il a lancé l’appel du 18 juin 1940 alors qu’il n’avait qu’un commando d’à peine 200 personnes, des citoyens français prêts à se battre. C’est dans ces conditions qu’en 1944 Brazzaville devint la capitale de la France libre. Quelle légitimité politique avait le général pour pouvoir mobiliser des millions d’Africains, lesquels étaient venus combattre le nazisme et le fascisme au péril de leurs vies ?
Soyons sérieux ! Quelle était la légitimité de De Gaulle pour justifier les sacrifices des millions d’Africains ? Les dirigeants français actuels n’ont pas à bafouer l’intelligence des Africains. Le général De Gaulle, avait-il été élu pour lancer l’appel du 18 juin 1940, pour obtenir le ralliement des troupes d’Afrique, le ralliement de nombreux civils, l’enrôlement parfois forcé de nombreux jeunes Africains, lesquels devaient venir mourir en Normandie ? La 5ème république dans laquelle nous vivons, et qui date depuis 1958, a été fondée avec le soutien, la sueur, la souffrance et les larmes des Africains venus des colonies.
De Gaulle a constitué sa stature politique alors qu’il n’avait pas encore reçu l’onction démocratique. Au nom de quel principe la décision des nouvelles autorités du Niger sera-t-elle moins légitime que celle de De Gaulle, des autorités maliennes, du CNT, du Président Assimi Goïta, et de celle de Mahamat Kaka Deby ? Au nom de quoi leurs ambassadeurs seraient-ils plus légitimes ? Il ne faut pas confondre la légitimité étatique et la légitimité gouvernementale. Il n’appartient pas à un État étranger d’apprécier qui est le représentant légitime d’un autre État. Il n’appartient pas au peuple français de dire qui est souverain au Niger.
RECIPROCITE DIPLOMATIQUE
Les relations diplomatiques ne sont pas des relations entre les gouvernements. Ce sont des relations entre des États. Ne créons pas d’amalgame. Les diplomates sont accrédités par des États. Un changement à la tête de l’État impacte le corps diplomatique. Si les diplomates ne reconnaissent pas les nouvelles autorités, ils démissionnent. Si on partait du principe de la légitimité telle qu’énoncé dans le processus démocratique, il n’y aurait pas grand monde en France dans les chancelleries.
En conclusion :
1- Il faut respecter les États quels que soient les gouvernements qui sont à leur tête : ils ont la responsabilité de leurs diplomates.
2- Les États étrangers doivent se garder de violer le principe de souveraineté.
