Depuis douze longues années, notre pays s’étiole, s’effondre sous le poids d’une misère sombre, amère, qui engloutit ses enfants. Ceux qui le pouvaient sont partis, les cœurs lourds et les yeux pleins de désillusion, laissant derrière eux des villes assourdies par les fêtes vides et les fausses promesses. Ici, la vie ne bat plus, elle s’étire, une charge lourde posée sur nos âmes. Les routes, ces artères déchirées, ne mènent plus qu’aux précipices ; elles se sont remplies de fosses et de rigoles d’immondices où l’on risque la chute, où l’on risque de perdre plus que la foi. Nous portons, dans ce silence plombé, le fardeau de mille espoirs brisés, d’un rêve d’avenir que l’on nous a arraché.
Comme des arbres déracinés, nos jeunes vieillissent avant l’heure, des rides creusées par l’incertitude des jours. Le plus beau palais n’est plus qu’une façade en ruine, un vestige d’illusions, tandis que l’actualité, elle, se nourrit de mensonges, d’informations délavées qui nous déchirent les tripes jour après jour. J’aimerais dire que nous possédons encore quelque chose, mais il ne nous reste que l’hymne et le drapeau, ces couleurs que le temps n’a pas fanées, ces symboles qui portent la seule vérité que l’on nous laisse : celle d’une appartenance, d’un pays qui aurait pu être grand, mais qui vacille. À chaque fois que je parle de notre pays à un ami étranger, je me retrouve avec ce même geste désespéré : on me présente le chiffre 42 dont la somme donne 6 comme aujourd’hui.
Transcender, c’est le mot, le dernier bastion de notre force, le verbe qui nous a permis de survivre, encore et encore. Les influenceurs, les voix dissidentes, nous crient la vérité au risque de l’étouffement, car dans ce pays il n’y aura que de perdants parce que toutes les victoires ont déjà été arrachées. Nous porterons ensemble ce poids, ce lourd fardeau des années de silence et de renoncements accumulés. Ce cri, c’est celui d’un citoyen qui aime, d’un amour profond et blessé. Bientôt, il ne restera même plus les miettes à partager, car la rage d’une poignée menaçante a tout ravagé. Mais peut-être, si Dieu le veut, arrivera le jour où l’idée même d’un empereur s’évanouira de notre horizon.
Puissions-nous au moins tolérer, en dernier recours, un président ; puissions-nous, au nom de cette symbolique, nous rappeler que c’est nous-mêmes qui avons choisi, autrefois, dans l’ignorance et le désir d’espérance cette douleur qui nous absorbe. Alors transcendons, élevons-nous au-dessus des ruines, avec l’espoir qu’un jour, nos enfants marcheront fièrement sur la terre que nous avons tant aimée.
![]()







